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Droit social

Réforme de l’abandon de poste

Vers la fin du licenciement pour abandon de poste ?

Le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a été adopté par le Parlement le 17 novembre 2022. Le Conseil constitutionnel a ensuite jugé le texte conforme à la Constitution dans une décision du 15 décembre dernier. 

Outre la réforme de l’assurance chômage, le texte entends également encadrer la pratique de l’abandon de poste, en instaurant un mécanisme de présomption de démission. Quelques explications ci-dessous.

Qu’est-ce qu’un abandon de poste ? Comment se distingue-t-il de la démission ? 

La notion d’abandon de poste n’est pas définie par la loi. Il s’agit du fait pour le salarié d’arrêter spontanément de se rendre sur son lieu de travail, sans donner d’explication ni fournir d’arrêt de travail à son employeur. 

L’abandon de poste se distingue donc de la démission, qui doit, selon la jurisprudence résulter d’une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat. Ainsi, l’absence du salarié, même injustifiée, ou l’abandon de poste, n’est pas considéré par la jurisprudence comme une démission.

En effet, selon la Cour de cassation, l’absence du salarié ne constitue pas, à elle seule, la manifestation non équivoque de rompre le contrat de travail qui caractérise la démission (Cass. soc. 18-2-1997 n° 94-40.532). De même, le seul fait pour le salarié de ne pas reprendre le travail malgré les mises en demeure de l’employeur ne suffit pas à caractériser une volonté claire et non équivoque de démissionner (Cass. soc., 11 juill. 2000, n° 98-45.342).

Comment l’employeur doit-il réagir, aujourd’hui, face à un abandon de poste ?

L’abandon de poste constitue une faute : l’employeur peut licencier pour faute grave un salarié qui a cessé de travailler, sans explication, après l’avoir mis en demeure de reprendre son poste ou de justifier de son absence. Aucune indemnité de licenciement ou de préavis n’est due.

La Cour de cassation a d’ailleurs jugé qu’en l’absence de volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner, il appartient à son employeur, lui reprochant un abandon de poste, de le licencier (Cass. soc., 10 juill. 2002, n° 00-45.566).

Le projet de loi sur le fonctionnement du marché du travail, adopté par l’Assemblée Nationale le 11 octobre dernier, modifie toutefois ce point.

Qu’est-ce que la loi modifie concernant l’abandon de poste ? 

Le projet de loi crée un nouvel article L. 1237-1-1 dans le Code du travail selon lequel :

« Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai ». 

Il instaure donc une présomption simple de démission du salarié quand ce dernier quitte son poste volontairement, et ne le reprend pas, passé un certain délai qui sera fixé par décret (à venir).

Il reste toutefois possible pour le salarié de contester la rupture de son contrat sur le fondement de cette nouvelle présomption en saisissant le Conseil de prud’hommes. L’affaire sera directement portée devant le Bureau de jugement, qui aura un mois pour statuer. 

Quel est le but de cette mesure ?

Le but poursuivi est de limiter le recours à l’abandon de poste par des salariés désirant quitter leur emploi sans démissionner, en le rendant moins attractif. 

En effet, avec le nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail, les salariés ayant recours à l’abandon de poste seront désormais présumés démissionnaires : ils n’auront donc plus la possibilité d’être indemnisés par l’assurance chômage. 

Qu’est-ce que ce changement implique pour les employeurs ?

Les employeurs n’auront plus besoin de licencier les salariés en abandon de poste, ces derniers étant désormais présumés démissionnaires. Cette présomption sera activée dès lors qu’après une première mise en demeure, le salarié ne se présente pas à son poste après un certain délai. 

La loi ne répond toutefois pas encore à la question de savoir si un courrier prenant acte de la démission, et donc la rupture du contrat, doit être envoyé au salarié à la suite de la mise en demeure, ou, une fois le délai écoulé, si l’envoi des documents de fin de contrat peut suffire.

A noter toutefois que cette procédure ne semble pas sans risques pour l’employeur. En effet, en cas de saisine par le salarié du Conseil de prud’hommes, la preuve de l’intention du salarié de quitter l’entreprise devrait, a priori, être rapportée par l’employeur qui s’en prévaut.

La question se pose également de la sanction qui pourrait être prononcée par le juge en cas d’invalidation de la démission : licenciement sans cause réelle et sérieuse ? Sanction spécifique ?

Enfin, une problématique se pose vis-à-vis du préavis, qui doit en principe être effectué par le salarié démissionnaire. L’abandon de poste entraînant une présomption de démission en vertu du nouvel article L. 1237-1-1, le salarié serait théoriquement tenu d’exécuter son préavis. Avec cette nouvelle procédure, il semblerait possible pour l’employeur de demander le versement d’une indemnité compensatrice de préavis au salarié en abandon de poste.

Les modalités exactes de ce nouveau mécanisme, comme le délai dont disposerait le salarié pour saisir la justice, devraient être précisées dans un décret.