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Mobilité internationale

Télétravail international au sein de l’UE : une flexibilité sociale soumise à l’accord des deux parties – sur quels critères s’appuyer pour décider de cotiser dans le pays de situation de l’employeur ou dans celui du télétravailleur ?

Télétravail international au sein de l’UE : une flexibilité sociale soumise à l’accord des deux parties – sur quels critères s’appuyer pour décider de cotiser dans le pays de situation de l’employeur ou dans celui du télétravailleur ?

L’article 13 du règlement UE 883/2004 prévoit que lorsqu’un salarié exerce son activité professionnelle dans plusieurs Etats membres (pluriactivité) et passe plus de 25% de son temps de travail dans son pays de résidence alors il doit être affilié au régime de sécurité sociale de son pays de résidence (affiliation de l’employé et de l’employeur). Dans le contexte de la flexibilisation et digitalisation du marché du travail et de l’augmentation des télétravailleurs internationaux depuis le COVID 19, une exception à ce principe a été mise en place au 1er juillet 2023 pour les télétravailleurs portant ce pourcentage d’activité de 25% à 49%. Cela permet aux salariés frontaliers, qui effectuaient 1 jour de télétravail par semaine (20% de leur temps de travail) de pouvoir passer à 2 jours de télétravail par semaine (40% de leur temps de travail) tout en restant affilié à la sécurité sociale du pays où se situe leur employeur. 

Afin de bénéficier de cette mesure, les Etats membres impliqués (i.e. Etat dans lequel réside le salarié et Etat dans lequel est situé l’employeur) doivent tous deux avoir signés l’accord¹. Cette exception est applicable sur demande via l’article 16 du règlement UE 883/2004 pour les périodes d’activité commençant au 1er juillet 2023 (pas de rétroactivité de la demande sauf dans des cas bien précis). L’acceptation de la demande est valable pour une durée de 3 ans renouvelable. 

Il est important de préciser qu’il s’agit d’une option possible mais non d’une obligation. Sans demande formalisée auprès des autorités sociales, la règle des 25% (art. 13 règlement UE 883/2004) reste le principe applicable.

Se pose alors la question des raisons qui pourraient motiver un changement de législation dans l’hypothèse où un employeur français a des salariés exerçant leur activité en télétravail au sein de l’UE – entre 25% et 49% de leur temps : 

• Coût des contributions : la France est connue pour son niveau élevé de contributions sociales (tant part employé que part employeur). Le passage sous sécurité sociale française représente un coût non négligeable compte tenu du haut niveau de contributions employé et employeur, impliquant la diminution de la rémunération nette du salarié et l’augmentation du coût employeur. Il peut alors y avoir un arbitrage à faire en termes de coût pour la société en fonction des pays impliqués.

Exemple : Résident espagnol travaillant pour le compte d’un employeur français, exerçant son activité en télétravail 2 jours / semaine (40% de son temps dans son pays de résidence) et percevant une rémunération annuelle brute de 100k€. 

– Article 13 (principe – SS du pays de résidence) : contributions sociales espagnoles plafonnées :  3,5k€/an (part employé) et 17k€ /an (part employeur) 

– Article 16 (exception sur demande – SS du pays employeur) : contributions sociales françaises non plafonnées :  20k€/an (part employé) et 50k€ /an (part employeur) 

• Rupture de la continuité des droits : les télétravailleurs européens déjà en poste dans la société qui sont affiliés au régime de sécurité sociale de leur pays de résidence n’ont généralement pas vocation à s’affilier au régime français de sécurité sociale car ils souhaitent maintenir une continuité de leurs droits à pension dans leur pays de résidence. Il s’agit néanmoins de situations à examiner au cas par cas en fonction du pays de résidence (coût des contributions employé/employeur, régime de retraite favorable ou non), de la carrière du salarié (carrière internationale ou non), de l’âge du salarié (proche de la retraite ou non), et à mettre en corrélation avec la charge administrative et le coût des prestataires externes pour l’employeur.

• Cas des embauches internationales dans un pays de l’UE par un employeur français : les salariés nouvellement embauchés en télétravail international, qui pour la plupart n’ont jamais travaillé/été affilié en France dans le passé, n’ont généralement pas vocation à s’affilier au régime français de sécurité sociale. L’employeur français doit alors s’enregistrer et établir une paie dans le pays de télétravail, ce qui présente des lourdeurs administratives et un coût de gestion. Pour éviter cela, le nouvel accord européen sur le télétravail pourrait permettre de cotiser en France – pour autant que l’activité du salarié dans son pays de résidence soit limitée à 49% – sous réserve de l’accord du salarié.

• Accord employé / employeur : la demande de changement de législation doit être effectuée en concertation entre l’employé et l’employeur, ce qui implique que les deux parties doivent être d’accord pour demander l’enregistrement auprès de la sécurité sociale de pays de l’employeur. Cela implique donc une réflexion interne au niveau de la société, puis une discussion avec le salarié pour lui expliquer les règles applicables et les conséquences.

Il est important de préciser que les règles sociales mentionnées ci-dessus sont décorrélées des règles fiscales applicables aux télétravailleurs frontaliers qui doivent faire l’objet d’une étude distincte.

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¹Liste des Etats signataires référencée par la Belgique en tant qu’Etat dépositaire : Télétravail transfrontalier dans l’UE, l’EEE et la Suisse | Service Public Fédéral – Sécurité Sociale (belgium.be)