article une

Droit social

Arrêts maladie et prise des congés payés : la France s’aligne avec le droit de l’UE, de quoi complexifier la tâche des RH !

Depuis la fameuse loi du 22 avril 2024, les salariés en arrêt de travail pour maladie ou accident, d’origine professionnelle ou non, continuent d’acquérir des congés payés pendant ces arrêts de travail.

Si la Cour de cassation et le Conseil d’Etat s’étaient déjà alignés avec le droit européen, l’intervention du législateur a permis d’assurer cette conformité.

Si cela fait maintenant plus d’un an que la loi est vigueur, les contours de cette loi ont pu être précisés par la jurisprudence. La piqure de rappel est donc opportune.

1. Le nombre de jours de congés acquis pendant l’arrêt de travail :

  • Maladie ou accident d’origine non professionnelle : 2 jours ouvrables de congés par mois d’absence dans la limite de 24 jours ouvrables par période de références, soit 4 semaines de congés payés par an.
  • Maladie ou accident d’origine professionnelle : 2,5 jours ouvrables par mois, soit 30 jours ouvrable par période de référence

A noter : Il est tout à fait possible de compter les jours de congés payés en jours ouvrés. Dans ce cas, 2 jours ouvrables sera égal à 1,66 jours ouvrés et 2,5 jours ouvrables sera égal à 2,08 jours ouvrés.

2. Arrêts d’origine professionnelle (AT/MP) : la suppression de la limite d’un an.

Avant la loi de 2024, la période pendant laquelle le contrat de travail était suspendu pour cause d’AT ou MP était considéré comme du travail effectif dans la limite d’un an.

Les salariés n’acquéraient pas de congés pour la durée de l’arrêt supérieure à un an.

Désormais, cette période est considérée comme du travail effectif sans limite de durée.

Quid de la rétroactivité de la loi ?

La Cour de cassation a répondu à cette question dans un arrêt du 28 mai 2025 (n°25-40.006).

Cette disposition spécifique de la loi concernant la suppression de la limite d’un an, n’est pas rétroactive.

3. Le droit au report encadré :

Le salarié qui ne peut pas, en raison de son arrêt de travail, prendre ses congés au cours de la période de prise de congés dans l’entreprise, peut reporter tout ou partie des congés qu’il a acquis.

Si la Cour de Cassation avait déjà consacré ce droit en 2009 (Cass, Soc, 24 février 2009, n° 07-44.488), en application du droit européen, la Loi d’avril 2024 a permis d’encadrer le droit au report.

Ainsi la Loi a fixé une période de report de 15 mois. Si le salarié n’a pas pris ses congés à l’issues de cette période, ils seront perdus.

Cependant, le point de départ de cette période de report diffère selon la durée de l’arrêt de travail.

Il faut distinguer 2 cas de figure :

  • L’arrêt de travail est inférieur à 1 an.

Le délai débute à compter du jour où le salarié a été informé, à son retour dans l’entreprise, du nombre de jours dont il dispose et de la date jusqu’à laquelle ils peuvent être pris.

Le salarié doit être informé dans le mois qui suit la reprise du travail.

Exemple :

Période de prise des congés : 1er mai 2025 – 30 avril 2026

Arrêt maladie : 1er janvier 2026 – 1er avril 2026

Reprise du travail : 2 avril 2026

Information de l’employeur : 15 avril 2026 → début de la période de report

Fin de la période de report : 15 juillet 2027

  • Les congés acquis, avant l’arrêt, sur la période de référence 1er juin 2024 – 31 mai 2025, peuvent être reportés jusqu’au 15 juillet 2027
  • Les congés acquis sur la période de référence 1er juin 2025 – 31 mai 2026 ne sont pas reportés et seront pris sur la période de prise de congés 1er mai 2026 – 30 avril 2027
  • L’arrêt de travail est supérieur à 1 an et couvre toute la période d’acquisition des congés payés.

Le délai débute à la fin de la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis.

Si au terme de cette période de report, le salarié est toujours en arrêt et n’a jamais repris le travail, les congés acquis seront donc perdus.

En revanche, si le salarié reprend le travail avant la fin de la période de report, le délai est suspendu jusqu’à ce que le salarié soit informé de ses droits. A ce moment-là, le délai reprend son cours.

Exemple :

Arrêt maladie : 1er juin 2024 – 30 novembre 2025 (1 an et 6 mois)

Reprise du travail : 1er décembre

Le salarié a été en arrêt sur la totalité de la période de référence 1er juin 2024 – 31 mai 2025.

Début de la période de report : 31 mai 2025

Suspension de la période de report le 1er décembre 2025 (Au bout de 6 mois)

Information de l’employeur : 19 décembre 2025 → le délai reprend

Fin de la période de report : 19 septembre 2026

4. Et si le salarié tombe malade pendant ses congés payés ?

Actuellement, le législateur ne prévoit pas ce cas de figure.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le salarié qui tombe malade pendant ses congés payés ne peut pas bénéficier d’une prolongation ou d’un report de ses congés.

Le salarié doit rester en congés payés et il perçoit ses indemnités de CP qui peuvent se cumuler avec les IJSS.

Cependant, cette solution est, une nouvelle fois, contraire au droit européen !

Le 18 juin dernier, la Commission européenne a épinglé la France à ce sujet.

Pour la Commission, les travailleurs qui tombent malades pendant ces congés peuvent récupérer ultérieurement les jours de congés annuels qui ont coïncidé avec leur maladie.

La France a reçu une mise en demeure de deux mois pour répondre. On peut donc s’attendre à une évolution législative de mise en conformité avec le droit européen dans les prochains mois, dans le prolongement de la loi d’avril 2024.

En attendant, le Ministère du travail recommande aux employeurs de faire application du droit européen « pour éviter tout contentieux inutile ».

D’ailleurs, la Cour de cassation qui ne s’était pas encore positionné sur ce sujet depuis 1996, va rendre un arrêt le 10 septembre prochain dans lequel elle devrait désormais, a priori, s’aligner sur le droit européen, comme le faisaient déjà les juges du fond depuis quelques années (CA Versailles 18 mai 2022, RG n° 19/03230).